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Etude : synthèse de l'état de l'art sur la ventilation manuelle pendant la réanimation cardiopulmonaire

Etude : la ventilation durant la RCP – une synthèse constructive

Lorsqu’on fait un état de l’art scientifique sur la Réanimation-Cardio Pulmonaire (RCP), la littérature est riche concernant le massage et la défibrillation. Par contre, peu d’études se sont penchées sur la ventilation. La maîtrise des gestes est pourtant essentielle pour augmenter les chances de survie et diminuer les risques de séquelles. L’étude sur la « Ventilation durant la réanimation cardiopulmonaire » menée par l’équipe N. Segond, L. Demoulin, D. Viglino, D. Savary, G. Debaty et publiée dans les Annales de médecine d’urgence(1), réalise une synthèse des connaissances sur le sujet.

 

Importance de la ventilation dans la RCP

Tout d’abord, une ventilation efficace est associée à une meilleure chance de survie. « Le principal but de la ventilation chez un patient en arrêt cardiaque est d’apporter suffisamment d’oxygène aux poumons dans l’espoir de permettre une hématose correcte. L’oxygénation des organes vitaux, associée à une RCP de qualité, est d’autant plus importante que les lésions d’ischémie/reperfusion s’installent dès les premières minutes après l’arrêt cardiaque et sont à l’origine de la majorité des lésions cérébrales« .

En d’autres termes, une ventilation efficace est associée à un taux plus élevé de retour à une circulation sanguine spontanée (RACS), une meilleure survie à la sortie de l’hôpital, et une survie avec un bon pronostic neurologique. A contrario, une ventilation mal conduite entraîne un risque d’hyper ou hypoventilation, potentiellement délétère pour le patient. L’étude passe ainsi en revue les différentes méthodes de ventilation.

 

Ventilation passive, manuelle ou mécanique ?

La ventilation passive :

Lors de la pratique du massage cardiaque, les compressions et décompressions thoraciques génèrent naturellement des volumes courants compris entre 30 et 60 mL. Même en y ajoutant une pression positive avec un masque à haute concentration type valve de Boussignac, les résultats restent contradictoires. Selon les études, l’oxygénation pourrait être insuffisante. Les pressions générées à l’intérieur du thorax et leur effet hémodynamique sont incertains. Les chercheurs préconisent une étude plus poussée.

 

La ventilation manuelle :

L’étude met en évidence le caractère déterminant de la qualité de la ventilation manuelle au cours de la réanimation cardio-pulmonaire, tout en soulignant les écarts préoccupants entre les recommandations cliniques établies et les pratiques observées sur le terrain. Pourtant, les recommandations sur la pratique de la ventilation sont très claires : « utiliser préférentiellement, en fonction de la compétence des intervenants, des dispositifs avancés de gestion des voies aériennes (dispositifs supraglottiques ou intubation orotrachéale) et réaliser une ventilation à 10 cycles par minute en insufflant des volumes permettant une surélévation du thorax du patient. Ces normes sont rarement appliquées en pratique clinique, en l’absence de dispositifs de contrôle et de rétroaction en temps réel. »

Dans la majorité des cas, la ventilation est assurée manuellement à l’aide d’un ballon auto-remplisseur (BAVU) associé à un masque facial. Cette technique est largement pratiquée en raison de sa simplicité d’utilisation et de sa disponibilité. Malgré tout, sa conduite reste fortement dépendante de la technique de l’opérateur. Une mauvaise maîtrise engendre deux risques majeurs :

  • Une hyperventilation : elle est susceptible d’augmenter les pressions intrathoraciques, de réduire le débit cardiaque et de compromettre la perfusion cérébrale. De plus, elle accroit le risque d’inhalation de liquides gastriques.
  • Une hypoventilation : elle entraîne une oxygénation inadéquate et une élévation de la PaCO₂.

 

La ventilation mécanique:

Son avantage est indéniable. Elle assure une administration maîtrisée des volumes et pressions délivrés, tout en déchargent l’opérateur affecté à la ventilation. Cependant, l’étude constate que les compressions et décompressions thoraciques entraînent une modification majeure des courbes de débit et de pression. Or, de nombreux essais ne définissent pas clairement les paramètres ventilatoires mesurés. Et les calculateurs automatiques sont calibrés pour des mesures sans massage cardiaque. Le massage cardiaque risque donc d’induire des dysfonctionnements sur le ventilateur.

Par ailleurs, sur les réglages préconisés pour les ventilateurs mécaniques, plusieurs points doivent encore faire l’objet d’études.

Si l’étude souligne l’intérêt du ventilateur mécanique, elle met en garde sur l’importance de maîtriser le matériel. Sa manipulation représente une charge importante pour le clinicien alors que celui-ci doit en parallèle gérer une RCP.

 

Préconisations

A ce jour, aucune étude ne permet de répondre de façon catégorique sur le meilleur choix entre ventilation manuelle ou mécanique. En revanche, toutes concordent pour conclure sur l’intérêt de pousser les investigations.

Ainsi l’étude conclue que « Il semble néanmoins que la ventilation mécanique utilisée avec des réglages s’approchant de la ventilation manuelle réalisée pendant la RCP soit sûre et potentiellement efficace. Il apparaît donc raisonnable, au vu de la littérature actuelle, de débuter la RCP par une ventilation manuelle au BAVU puis, lorsqu’une équipe médicalisée a contrôlé les voies aériennes supérieures, d’utiliser une méthode de ventilation mécanique afin de standardiser les ventilations, de libérer un opérateur et de poursuivre la ventilation du patient durant un éventuel transport. Il est cependant important que les réglages de ventilateur soient précautionneusement vérifiés si un mode de ventilation dédié n’est pas utilisé. »

 

Dans tous les cas, lors de la RCP, la ventilation représente une étape essentielle pour améliorer la prise en charge d’une victime. Une ventilation efficace limite les éventuels effets délétères. Pour ce faire, une autre étude a montré l’intérêt de mesurer le volume d’air insufflé pendant la ventilation(2). Un capteur de débit placé entre le masque et le BAVU guide l’opérateur. Ainsi, il améliore jusqu’à 70% la qualité de sa ventilation manuelle. Le retour sur la qualité de la ventilation permet d’ajuster sa technique si besoin.

les risques d'un ventilation manuelle mal effectuée

 

Par ailleurs, une étude observationnelle multicentrique(3) démontre que les patients ayant bénéficié d’une ventilation adéquate (définie comme correcte dans plus de 50 % des pauses ventilatoires) présentent :

  • Un taux de retour à la circulation spontanée (RACS) significativement plus élevé, avec une augmentation de 15 points ;
  • Une survie à l’hospitalisation multipliée par trois ;
  • Un pronostic neurologique favorable multiplié par quatre.

Ces résultats apportent un argument fort en faveur de l’utilisation d’un moniteur de contrôle du volume courant lors de la RCP en temps réel.

 

L’importance de la formation

Au-delà d’une utilité évidente en situation opérationnelle, les dispositifs de feedback de la ventilation (VFD) s’avèrent être des outils pédagogiques très pertinents. L’évaluation de la ventilation manuelle repose encore trop fréquemment sur une simple appréciation visuelle, alors même que les erreurs — souvent subtiles — restent difficiles à identifier sans dispositif de mesure objectif. Le CESU 54 en a fait l’expérience « Certains apprenants sont tout contents de voir le thorax se soulever. Ils pensent avoir un taux de réussite de 98%. Finalement, ils sont à 33%… Le choc ! On en profite alors pour échanger avec eux, pour voir s’ils ont une idée de ce qu’il s’est passé. Ensuite, on recommence l’exercice avec EOlife X. Là, ils se rendent compte généralement qu’ils ventilent trop vite ! » précise le Dr Géraldine LOUIS, responsable médicale CESU 54 et CESU de la zone Est défense.

En effet, dans sa version dédiée à la formation, EOlife X offre aux formateurs des CESU et autres structures d’enseignement :

  • Meilleur contrôle du positionnement, de l’étanchéité du masque et de la subduxation de la mâchoire pour éviter l’insufflation gastrique
  • Retour visuel en temps réel
  • Fonction « ventilation à l’aveugle » : permet d’enregistrer et évaluer les paramètres ventilatoires au cours d’une ventilation manuelle sans retour d’information

Les retours issus des centres utilisateurs confirment une amélioration significative de la qualité pédagogique, ainsi qu’un renforcement de l’uniformisation des pratiques.

 

Sources :

  • Segond N, Demoulin L, Viglino D, Savary D, Debaty G (2024). Ventilation durant la réanimation cardiopulmonaire Ann Fr Med Urgence 14 :376-384. doi : 10.1684/afmu.2024.0624
  • Orlob S, Wittig J, Hobisch C, et al (2021). Reliability of mechanical ventilation during continuous chest compressions: a crossover study of transport ventilators in a human cadaver model of CPR. Scand J Trauma Resusc Emerg Med 29:102 uijherkiujgbvfd
  • Speer T, Dersch W, Kleine B, et al (2017). Mechanical ventilation during resuscitation: how manual chest compressions affect a ventilator’s function. Adv Ther 34:2333-44